Après Dieu me déteste, La ballade d’Ester Day, la collection La belle colère nous offre une merveille : Vous parler de ça. Laurie Halse Anderson, dans ce premier roman, mêle observations et portrait hauts en couleur et entraine le lecteur dans la tête d'une adolescente ... Vous parler de ça, comme Dieu me déteste, c’est avant tout une voix : celle de Melinda, jeune fille de 14 ans qui raconte sa première année de lycée à travers de courts chapitres. Mais, dès la première page on se rend compte qu’elle fait partie des élèves particulièrement impopulaire, évitée et souvent moquée. Elle ne parle pas beaucoup Mélinda, les mots restent coincés et ne franchissent pas ses lèvres et la raison de son silence est grave : elle ne peut pas parler de ça, de son viol par un élève de terminale. Pour tous, elle est la fille qui a fait capoter une fête géniale en appelant les flics. Evidemment, son incapacité à parler l’isole du reste du monde.
L’auteur raconte à travers la souffrance de Melinda, la vie du lycée (les profs, les cours, la cafétéria…) avec beaucoup d'humour et de sensibilité. Au cœur de cette bataille permanente contre soi et les autres, Melinda est un personnage exceptionnel, bouleversant de fragilité, de cynisme et de rage contenue....
Ce roman est grave et drôle en même temps, tendre, émouvant, et les chapitres courts décrivent des tranches de vie qui serrent le cœur, qui révoltent et qui émeuvent… J’ai beaucoup aimé les portraits des ados et des profs, justes et implacables !
Et le bonus : j’aime terriblement cette collection, le touché du papier et la sobriété de la couverture…
Extrait
J’ai de plus en plus de mal à parler. Ma gorge me fait toujours souffrir, mes lèvres sont gercées. Quand je me réveille le matin, mes mâchoires sont tellement contractées que j’en ai mal à la tête. Ma langue se délie parfois quand je suis seule avec Heather. Mais chaque fois que j’essaie de parler à mes parents ou à un prof, je bafouille ou me bloque. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? J’ai l’impression d’être atteinte d’une espèce de laryngite chronique. (p 85)
Maintenant que deux mètres de neige recouvrent le sol, les profs d’EPS consentent à nous faire cours à l’intérieur. La température ne dépasse pas cinq degrés dans le gymnase, mais il parait qu’ « un peu d’air frais n’a jamais tué personne ». C’est facile pour eux de dire ça, ils portent des pantalons de survêt alors qu’on est en short. (p 121)