Il ne pouvait admettre cette maladie congénitale du quotidien appliqué.
Résumé
Quel beau titre pour ce roman qui se passe dans une Lorraine sinistrée et qui raconte 4 étés d’Anthony, Hacine, Steph, Clem, 4 ados issus de milieux sociaux différents dont les seuls credo sont la drogue, l’alcool, le sexe et les petits larcins. Ils ont 14, 16, 18 et 20 ans et ils trainent, ils font la fête bref, ils essaient d'oublier d’où ils viennent et où ils vont. Nicolas Mathieu a le talent de plonger le lecteur dans leurs premiers émois amoureux, leurs rêves désabusés, leurs envies de sortir de ce milieu figé, leurs fantasmes. Ils rêvent tous de partir mais sont condamnés à vivre la même existence que leurs pères.
Mon avis
En quatre tableaux, en quatre étés, en quatre saisons chaudes et étouffantes, en quatre chansons, Nicolas Mathieu dépeint avec force et intensité une fresque sociale et familiale dans une Lorraine sinistrée par la fermeture des sidérurgies dans les années 90. Ce roman pourrait être noir mais il est illuminé par la fougue et l'énergie des adolescents. Tous les personnages sont attachants, énervants, et parfois de vrais têtes à claques.
J’ai aimé l’ancrage dans la réalité sociale de cette région, le langage cru et vrai de la jeunesse. Ce livre est fin, subtil, super bien écrit, bien construit et addictif : on a vraiment envie de savoir ce qu’il va se passer pour chacun d’entre eux. Portrait réaliste d'une région désœuvrée, il est remarquable par la justesse des mots et des dialogues, par les portraits sans concession, l'intensité et l'émotion qui s'en dégage. Un petit quelque chose de Ferrante et/ou de Despentes pour un Goncourt qui traite de l’adolescence et du déterminisme social.
Roman, dont le titre est particulièrement judicieux, à lire car en plus d’être bien écrit, il permet de réfléchir sur ce qui se passe aujourd’hui en France. Le livre se termine en 1998, les ados ont alors 20 ans et on peut imaginer que 20 ans plus tard, ils enfilent un gilet jaune !
Livre facile à lire mais pas facile du tout et qui ne laisse pas indifférent !
Extraits
On la dit salope, ce qui signifie qu’elle est une menace et qu’elle peut régler certains problèmes avec son corps. p 145
Dès qu’elle entrait quelque part, cette sauvagerie envahissait tout, vous cascadait jusque dans la bouche et on retrouvait ensuite sur les tapis et les fauteuils, et cette odeur de miel, de bête et d’argan qui vous entêtait des heures. p 183
Depuis qu’elles étaient ado, elles s’expliquaient leur fonctionnement intime, débriefaient après être sortie avec un mec se donnaient des tuyaux pour éviter les cystites ou les mycoses. Leur corps de fille étaient une mécanique si difficile, on n’était pas trop de deux pour y faire face. p 263