Ce mois-ci, pas de doute, c'est De bonnes raisons de mourir qui a retenu mon attention. Cari Mora de Thomas Harris n'a pas démérité mais il est moins accompli que Le silence des agneaux.
Morgan Audic nous propose non seulement un très bon thriller mais également une histoire qui s’accroche à la réalité de l’Ukraine et de Tchernobyl. C’est du bon, du très bon ! Lu après De bonnes raisons de mourir, Cari Mora m’a paru un peu fade.
Morgan Audic, né en 1980, professeur d’histoire et géographie, signe avec de bonnes raisons pour mourir son deuxième roman. J’avais quelques doutes sur mon intérêt pour ce polar, Tchernobyl, l’Ukraine, le nombre de page, mais finalement cette lecture a été un véritable coup de cœur. Il s’agit du dernier polar du concours Livre de Poche que je lis pour cette année.
Résumé
L’auteur nous emmène dans les bas-fonds de l’ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl, désaffectée depuis 1986. Le capitaine Joseph Melnyk enquête à Pripiat sur le meurtre particulièrement sordide du fils d’un ancien ministre. En effet Leonid Sokolov, est retrouvé accroché à la façade d’un immeuble de cette ville fantôme, située non loin de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine. Vektor Sokolov, son père, ancien ministre de l’Énergie de l’ex URSS, craignant que l’affaire ne soit enterrée par les autorités ukrainiennes, mandate Alexandre Rybalko, enquêteur au sein de la milice de Moscou, pour trouver l’assassin de son fils. Quelque peu borderline Rybalko va donc retourner à Pripiat, la ville de son enfance qu’il a dû quitter précipitamment un certain 26 avril 1986, quand le cœur du réacteur numéro 4 de la centrale entrait en fusion. L’inspecteur russe et l’officier de police ukrainien vont devoir unir leurs forces pour comprendre ce qui lie l’assassinat de deux jeunes femmes en 1986 et les étranges motivations d’un tueur en série particulièrement redoutable.
Mon avis
Avec ce livre, Morgan Audic, tout jeune auteur de polar noir nous emmène dans la zone d’exclusion de Tchernobyl au travers des méandres de Pripiat, ville fantome lourde d’histoire et de douleur. En dehors de l’intrigue qui est à couper le souffle, le contexte est passionnant et extrêmement bien documenté : la vie, la survie dans cette zone, les trafics en tout genre, la misère, la bêtise humaine avec tourisme « voyeuriste » dans Pripiat, le conflit du Donbass, les ravages de la radioactivité. Admirablement bien construit, bien écrit, De bonnes raisons de mourir est avant tout un thriller palpitant avec un style vif et percutant, et un suspense qui ne faiblit pas. L'ambiance est aussi mystérieuse qu'inquiétante, les révélations distillées au compte-goutte et les rebondissements tiennent le lecteur en haleine jusqu'à la dernière ligne. Les personnages sont denses, complexes avec leurs failles, leurs doutes, leurs peurs, et aussi leurs espoirs, leurs cœurs. Les deux enquêteurs, Melnyk et Rybalko, sont attachants et profondément humain mais c’est, Novak, la jeune collègue de Melnyk qui restera dans ma mémoire.
Voilà pour moi un polar très réussi qui le mérite de raconter les problèmes actuels de l'Ukraine. On ne peut pas refermer ce livre sans avoir en tête cette catastrophe qui n'est pas restée cantonnée dans les frontières de l'URSS comme on a voulu nous le faire croire.
De bonnes raisons de mourir m’a laissée sans voix et Morgan Audic nous livre avec cet opus un polar très réussi qui pousse à la réflexion.
Extraits
Là-bas, ce sera du blé d’hiver, dit machinalement le fermier en désignant ses terres d’un large geste de la main. Tout en bio. Zéro pesticide. – Du bio de Tchernobyl, soupira Novak, désabusée. Et les gens achètent ça ? – Bien sûr. C’est meilleur et plus sain que la plupart des choses que vous trouverez sur les marchés de la capitale. On en exporte aussi à l’étranger. » p. 181-182.
Vous savez ce que ça représente, vingt générations pour les êtres humains ? Trois à cinq siècles. Et cette terre est empoisonnée pour bien plus longtemps. Des milliers d'années. Le plutonium 239, par exemple, continuera d’être dangereux pendant environ vingt-quatre mille ans. p 205