Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir.
On imagine bien Christiane Taubira, assise au coin du feu, raconter, expliquer, murmurer à ses petits enfants ce en quoi elle croit, convoquer la raison plutôt que la vengeance, essayer de comprendre pour vaincre.
Oui, il faut comprendre pour anticiper et aussi pour ramener du sens au monde. p15
Je ne suis sûre de rien, sauf de ne jamais trouver la paix si je m’avisais de bâillonner ma conscience.
Dans la 1ère partie Mme Taubira fait une belle démonstration sur l’inutilité de la déchéance de nationalité.
Déchoir des terroristes, qui songeraient à s’y opposer ? Binationaux ou non ! Mais quel effet sur les mêmes ? Ils ne meurent ni Français ni binationaux, ils meurent en morceaux. D’ailleurs, étaient-ils binationaux, les neuf qui ont semé la mort et la désolation dans Paris ce soir du 13 novembre ? Par contre, ils en ont tué, des binationaux : vingt-sept ! Trois fois plus qu’eux. (…) Puisque pour les déchoir sans en faire des apatrides il faut qu’ils soient binationaux, cette déchéance contiendrait une inégalité, les mêmes actes perpétrés par des Français n’ayant pas une nationalité de substitution ne produisant pas les mêmes effets.
J’ai été très sensible à son argumentaire, à ses citations, au choix des poètes, des écrivains, des historiens qu’elle convoque au fil de son texte, Camus p 30, Abd El Kader p 26, Barbara p 61, Oum Kalthoum p 67, Maxime Leforestier p 68, Aimé Cesaire p 72, Pablo Neruda p 81, et j'en oublie sûrement...
Et nous rappelle, p 43, l’histoire de France : les seules déchéances de nationalité ayant frappé les français de naissance ont été prononcées par le pouvoir d’état du Maréchal Pétain contre le Général de gaulle et ses compagnons exilés à Londres…
Dans la 2ème partie de son ouvrage, elle rend hommage au peuple français uni, soudé dans la peine, qui défile au lendemain des attentats de janvier. J’ai beaucoup aimé cette dernière partie, bien écrite, sensible, argumentée. Elle s’adresse aux jeunes, à nos jeunes, elle parle vrai, sans faux semblant, sans compromission.
Nul ne saurait vous dire que l’univers dans lequel vous passerez de longues années finira, de lui–même, par devenir paisible.
Elle termine sur un très joli paragraphe tout en poésie sur son amour pour la France, celle d’Aragon, de Montaigne et La Boetie, celle de Saint Exupéry et de Simone Weil.
A aucun moment elle critique le gouvernement, elle explique en quoi la déchéance de nationalité est inutile et dit juste ce en quoi elle croit. Elle ne donne aucune solution et se contente d’alerter, de faire prendre consience…
Quelques jours avant la parution de son livre, Christiane Taubira démissionnait du gouvernement.
Le tourment m’habitera jusqu’à la tombe. L’inquiétude. L’intranquilité. p 82
Signe ce que tu éclaires, non ce que tu assombris.