Quand la problématique du climat touche le Japon, les poètes haïjin se trouvent dépourvus de mots de saison (kigo) parce que ce qui était vrai au XVIIe siècle ne l’est plus de nos jours ; l’urbanisation, les pollutions engendrées par l’activité humaine et l’industrialisation ont pris le pas sur la nature si idéalisée par les estampes, les ikebanas et l’art des jardins.
Alain Kervern, dans cet essai, tente de démontrer que l’avenir passe par la poésie et que le haïku est un art littéraire qui témoigne des changements de climat, du réchauffement climatique. Il se sert pour cela des mots de saison de l’Almanach poétique des saison (saïjiki) qui est un élément de référence indispensable. Au fil des années, l’écart entre l’émotion saisonnière et la réalité s’agrandit.
Repiquage du riz
sous mes yeux ce soir
tout est passé au vert
Okeguchi Suijin
Au fond de la nuit
s’éteignent l’une après l’autre
les lucioles pour toujours
Hosomi yako (1909 – 1997)
Et c’est avec des exemples précis et historiques qu’Alain Kervern montre que les haïkus anciens et contemporains jouent un rôle de repère face à la situation climatique qui se dégrade. Ainsi le repiquage du riz qui s’effectuait jadis dans la saison des pluies s’effectue de nos jours plus tôt pour éviter les typhons de plus en plus nombreux. Ou encore, la disparition des lucioles qui seraient liés à la prolifération des éclairages artificiels.
Brume du soir
sur le village de Shirakawa
déjà au fond du lac
Nomura Toshio (1911- )
L’auteur termine son propos par des témoignages de poètes de haïkus. J’ai retenu ce très beau haïku lourd de sens.
Cataclysmes et drames humains
les volubilis
ne cessent de fleurir
Hoshino Tsunejiko (1935 -)
J’ai beaucoup appris avec cet essai d’Alain Kervern sur l’importance majeure des haïkus et des essentiels mots de saison qui sont l'un et l'autre des témoins de la détérioration du climat.
Un très bon moment de lecture !
Extraits
Cela signifie qu’en mesurant entre ce qui fut et ce qui est, les poètes de haïkus sont conscients d’un présent toujours en évolutions. Rien n’est acquis, rien ne demeure. Nous devons apprendre à vivre avec une attention plus vive à la fragilité et à l’impermanence de ce qui nous entoure. page 91