Prix Landerneau, polar (2012)
Prix Ténébris, Québec ( 2013)
aux mères et Grands-mères de la place de Mai, à la mémoire de leurs disparus
Résumé
Je viens de terminer Mapuche, un thriller que Caryl Ferey a écrit en 2012. Dans cet opus, tout se passe en Argentine où les plaies infligées pendant la dictature militaire après le coup d'état de 1976 n'ont pas encore cicatrisé. En effet, dans le cadre du "Processus de réorganisation nationale", une répression terrible a été menée à l'encontre des sympathisants de gauche, des artistes, des intellectuels et de leurs familles, alors considérés comme des terroristes. Entre 1976 et 1983, on estime à 30 000 le nombre de personnes disparues, 300 enfants enlevés de leurs familles pour donner aux familles stériles, exécutions et censures, telles furent les armes utilisées par ce régime sanglant pour couper court à toute contestation. Dans ce contexte, les deux personnages principaux, Jana, une sculptrice mapuche va demander à Ruben, un détective, tous deux écorchés vifs, de l’aider à retrouver le meurtrier de Luz, un travesti, victime d’un crime crapuleux.
In TV5 monde https://information.tv5monde.com/terriennes/les-grands-meres-de-la-place-de-mai-souvenirs-et-rage-destela-de-carlotto-2813
Mon avis
En trois chapitres, l’auteur propose d’une part, une description du contexte argentin de l’époque (Petite sœur), d’autre part, une enquête mettant en évidence la barbarie du régime totalitaire (Cahier triste) et enfin, une chasse à l’homme ultra violente (Kulan -la femme terrible). Il est donc question de dictature, d'enlèvements et d'assassinats arbitraires, de grands-mères à la recherche de maris et enfants disparus, de coupe du monde de foot ( on est en 1978), du peuple Mapuche.
Ce polar est très très noir. Tout y est, le contexte socio-politique, les mentalités, l’horreur. La personnalité de Jana et Ruben est calquée sur leurs horribles douleurs du passé mais, entre amour et désir de vengeance, ils sont tout de même attachants et parfois même fleur bleue, capables toutefois d’une violence extrême, l'un gardant l'empreinte de sa détention et la mort atroce de sa petite sœurs et l'autre celui du massacre de son peuple.
Extraits
Mais Ruben s’était tu.
Raconter l’ineffable, c’était le revivre, laisser monter l’angoisse, le chagrin, la douleur, parler, c’était redonner à ses tortionnaires le pouvoir de l’écraser. Il n’avait rien dit à sa mère de ses mois de captivité à l’Ecole Mécanique de la Marine, ce qu’étaient devenus son père et sa sœur - impossible. page 52
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Et puis le Golpe était survenu, le 24 mars 1976.
Videla, Massera, Agosti. De par ses origines sociales, Elena se croyait protégée des généraux qui, chacun représentant son corps d'armée, s'érigèrent en gardiens de la morale et de l'ordre chrétien : le fameux Procéssus de Réorganisation nationale. Malgré ses choix de vie, Elena représentait la vieille droite du pays, péroniste à ses heures. Elle dut vite déchanter.
Œuvres étrangères interdites, publications surveillées, autodafé de livres d'histoire et de culture générale trop empreints de "marxisme", le paysage littéraire se dissolvait dans la terreur diffuse et l'autocensure. Des écrivains disparaissaient.
Sociologie, philosophie, psychologie, politique, même les livres de mathématiques devinrent bientôt introuvables. La revue puis les livres de Daniel Calderon subirent le même sort. D'après le pouvoir en place, les subversifs étaient "déguisés en homme de la rue", ce qui justifiait une répression tous azimuts. page 229
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Non, la cruauté des hommes n’a pas de limites.
ils m’ont libéré deux jours plus tard, au milieu de la liesse nationale, pour que je raconte votre histoire. Mais je ne dirai rien, petite sœur : jamais. Jamais qu’à toi… mon petit coquelicot. page 358
L’avez-vous lu ?
⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️
Livre en cours de lecture…
Les ailes collées de Sophie De Baere